Le marché de la seconde main textile en France s’est développé à grande vitesse. Mais derrière cette dynamique existe un écosystème à la fois dense, éclaté et peu régulé. Quatre familles d’acteurs cohabitent, chacune avec ses forces, ses limites… et ses angles morts. L’éco-organisme Refashion a tenté de les classer.
La seconde main séduit, s’impose, se banalise. Mais connaît-on vraiment celles et ceux qui la font tourner ? Derrière l’essor spectaculaire du marché textile d’occasion, la réalité est plus fragmentée qu’on ne le pense. Car si l’image d’un secteur à la fois éthique, économique et écologique s’est installée, elle occulte souvent la complexité — et les tensions — d’un écosystème en pleine mutation. Qui agit ? Qui en vit ? Qui assume quoi ? Pour mieux comprendre, l’éco-organisme Refashion a esquissé une cartographie des acteurs, présentée lors de la Journée de la mode circulaire 2025. Quatre grandes familles émergent. Toutes jouent un rôle clé. Aucune ne couvre l’ensemble de la chaîne.
Seconde main : un écosystème à quatre têtes
Le réemploi textile n’est pas un bloc homogène. Il se compose de plusieurs circuits — solidaires, marchands, industriels, individuels — qui s’entrecroisent sans toujours se parler. Aujourd’hui, quatre grandes catégories d’acteurs façonnent le paysage : l’économie sociale et solidaire (ESS), les enseignes commerciales (B2C), les plateformes entre particuliers (C2C) et les professionnels du secteur (B2B). Comprendre leurs rôles, c’est mieux saisir les tensions et les défis du secteur.
1. Les rois du volume : les plateformes C2C comme Vinted et Vestiaire Collective
Vinted, Leboncoin, Vestiaire Collective… Ces plateformes entre particuliers dominent aujourd’hui le marché. Elles concentrent 46 % des volumes échangés et 49 % de la valeur générée. Leur recette : un modèle simple, fluide, sans intermédiaire.
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Accessible en quelques clics, cette seconde main ultra-rapide séduit toutes les générations. Mais elle échappe à tout cadre commun. Aucun chiffre public, aucune obligation de traçabilité, aucun levier de régulation. Ce segment reste une boîte noire. Puissant, mais incontrôlable.
2. Le Relais, Emmaüs, la Croix-Rouge : le poids lourd discret de l’ESS
Le Relais, Emmaüs, la Croix-Rouge française, Tissons la solidarité… L’économie sociale et solidaire joue un rôle fondamental dans le réemploi textile. Elle collecte massivement, trie, revend dans des ressourceries, tout en assurant des missions sociales (insertion, accompagnement, emploi local).
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Mais cette force historique est freinée par un manque criant de moyens. Sans outils de pilotage, avec des équipes précaires et des systèmes d’information vieillissants, l’ESS peine à tracer ses flux. Résultat : une part importante du gisement reste invisible dans les données. Autre paradoxe : des vêtements donnés à des structures solidaires sont parfois revendus à des friperies commerciales. Les frontières entre solidaire et marchand s’estompent.

3. Les enseignes B2C : entre structuration et contradictions
Guerrisol, Kilo Shop, CrushON, Free’p’Star… Les friperies commerciales pèsent lourd dans le paysage. À elles seules, elles concentrent 10,2 tonnes sur les 13 tonnes échangées via le canal B2C. Les grandes enseignes (Kiabi, Auchan, Promod) ont elles aussi lancé des corners ou des espaces dédiés.
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Leur force réside dans la structuration : concept clair, expérience client, logistique intégrée. Mais leur développement repose parfois sur des pratiques discutables, comme l’importation de vêtements depuis des filières peu transparentes. Et malgré les volumes, le panier moyen reste bas — autour de 9 euros.
4. Le maillon caché : les acteurs B2B
Centres de tri, collecteurs, négociants, plateformes tech… Le B2B reste souvent absent du débat public. Pourtant, sans lui, pas de logistique, pas de tri à grande échelle, pas de montée en volume.
Les entreprises comme Faume ou Paradigm permettent aux marques de lancer leur propre offre de seconde main. D’autres, comme Gebetex, Philtex ou Eureka Fripe, traitent les invendus, gèrent les stocks, optimisent les flux. Leur rôle est industriel et stratégique.
Classement établi par l’éco-organisme missionné par l’État, Refashion. Présenté le 3 avril 2025 à l’occasion de la Journée de la mode circulaire organisée par la Fédération de la mode circulaire, cette répartition précède une future étude à paraître le 17 juin prochain. Crédit : Refashion
Catégorie : Société - Chiffres sur la seconde main


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