Consultante espagnole de 24 ans, Natalia de la Calzada nous partage ses inspirations ainsi que sa vision de la transformation des entreprises à l'occasion de l'évènement ChangeNOW Summit 2023. Le sommet qui rassemble les acteurs qui partent les solutions innovantes pour la planète, s'est tenu les 25, 26 et 27 mai derniers, au Grand Palais Éphémère à Paris.
C'est sur le stand d'Ekimetrics, l'entreprise dans la data science et l'intelligence artificielle pour laquelle elle travaille, que notre interviewée passe les trois jours au salon ainsi qu'aux conférences inspirantes qu'elle a sélectionnées.
Décryptage de l'intervention de Kate Raworth à la table ronde “Aligning business with planetary boundaries”
« J'ai beaucoup aimé la table ronde “Aligning business with planetary boundaries” où Kate Raworth a présenté son adaptation pour les entreprises de la fameuse Théorie du Donut. »
Selon l’auteur, étant donné le niveau de dégradation de la planète et les inégalités sociales qui se creusent, on doit dépasser les concepts de "développement durable" et de "l'inclusion" en entreprise.
Ces concepts impliquent d'être "moins mauvais" envers la planète et envers les parties prenantes sociales, par exemple en vendant des bouteilles en plastique recyclable, des protéines végétales healthy (même issues de la déforestation), en payant des salaires de subsistance ("living wages") ou encore en introduisant des quotas de diversité.
Ces mesures, même si elles sont souhaitables, n'adressent pas les sujets de fond de la transformation des entreprises : leur modèle linéaire (dégénératif de l'environnement) et divisif (par rapport au partage de la valeur).
Dans son cadre, elle propose de se tourner plutôt vers la régénération et la distribution. Ces principes touchent davantage au design des entreprises (leur modèle d'affaires, gouvernance, financements, relations avec les parties prenantes) pour vraiment inscrire la réparation, réutilisation, restauration, la régénération et l'opportunité au cœur de l'économie.
Kate Raworth, capture d'écran de la chaîne Youtube Change Now
Pour Natalia, le travail de changement des habitudes de consommation doit passer par une approche transformationnelle des entreprises.
« Afin d’être opéré avec succès, le travail de changement des habitudes de consommation doit se faire chez les individus mais aussi chez les entreprises qui produisent des biens et services. C'est aux entreprises de produire dans le respect des limites planétaires, même quand cela implique de sacrifier la croissance et la cadence des rythmes de production. C'est très évident pour la fast fashion, où moins de saisons vestimentaires auraient pour résultat moins de production. »
Selon Natalia, l'innovation dans les processus de fabrication et production pour s’inscrire dans une démarche de circularité des flux physiques, de l’extraction des matières premières à la fin de vie du produit, est clé.
« Ces démarches ne peuvent pas se faire de façon isolée pour des lignes de produits minoritaires, elles doivent s’inscrire dans un nouveau design d’entreprise. C’est pourquoi je trouve la théorie de Kate Raworth intéressante et transformative pour les entreprises. »
Natalia est aussi passionnante que la conférence qu'elle trouve inspirante. C'est vers l'accompagnement pour endiguer les bouleversements de demain qu'elle a décidé de se tourner. Elle nous raconte.
Son métier, la data science et l’intelligence artificielle pour accompagner les entreprises à mesurer leurs impacts et passer à l'action
Chez Ekimetrics, entreprise française de data science et d’intelligence artificielle, le travail de Natalia consiste à s'appuyer sur des données et l'intelligence artificielle pour aider les entreprises dans leur démarche de réduction d'impact (carbone, sur la nature, environnementale).
« Ces outils que l’on développe permettent aux entreprises de se concentrer sur des projets qui apportent plus de valeur : engager leur chaîne de valeur, repenser leurs opérations, mieux piloter leur stratégie avec des informations scientifiques notamment sur le climat et la biodiversité. »
Ce métier de transformation interne et externe est récent, et comme les métiers d’accompagnement à la transition écologique pas évident pour ceux qui les exercent.
« La transformation passe par le questionnement des projets, des clients, et nos process, ainsi que par la sensibilisation et le dialogue. C'est un travail difficile quand on est assailli continuellement des mauvaises nouvelles planétaires et qu'on connait l'ampleur du problème, car on a souvent l'impression de ne pas en faire assez. Mais c'est très gratifiant d'être de ce côté des choses aujourd'hui, de voir les mentalités changer et les verrous se débloquer. »
L’outil Climate Q&A, le "ChatGPT du climat", l'agent conversationnel qui décrypte les rapports du GIEC et de l'IPBES
« Je suis à ChangeNOW pour présenter les solutions d'Ekimetrics et notamment l'outil qu'on a récemment sorti appelé Climate Q&A. »
Il s'agit d'un agent conversationnel qui utilise 14 000 pages de rapports du GIEC et de l'IPBES pour aider les utilisateurs à accéder rapidement aux informations dont ils ont besoin. Ainsi, ils n'ont pas besoin de se perdre dans les méandres des rapports, qui sont longs et remplis de jargon technique difficiles d'accès à tous les profils.
Climate Q&A, l'intelligence artificielle adaptant ses réponses aux questions d’enfants
La solution valorise les rapports scientifiques en les rendant accessibles à des audiences non-techniques, notamment aux enfants.
« On a sorti cette semaine une version qui permet d'expliquer les enjeux du dérèglement climatique et la nature aux enfants. »
L'outil explique les conclusions des rapports du GIEC en utilisant des images, métaphores et périphrases. On retient celles-ci : l'augmentation du niveau de la mer c'est comme souffler dans un ballon et de le voir gonfler, et l'acidification des océans c'est comme du jus de citron dans l'eau.
Une image sur la gestion des déchets retient notre attention : celle du rangement des jouets.
Démonstration pour les petits.
A la question "qu'est-ce que la gestion des déchets ?", Climate Q&A répond instantanément "La gestion des déchets, c'est comme ranger sa chambre. Tu sais comment tu ranges tes jouets pour qu'il soient bien rangés et que tu puisses les retrouver facilement ? Eh bien, c'est pareil pour les déchets. Il faut les trier et les mettre dans les bonnes poubelles pour qu'ils soient bien gérés. (...)"
Sourcer par les grands.
A droite, l'outil indique la source "IPCC SR CLL SPM - page 24", soit la page 24 du résumé à l'attention des décideurs du rapport spécial du GIEC sur le changement climatique et les terres émergées.
Adaptation, accessibilité, open source et circularité ?
En plus de l’adaptation et de l’accessibilité du discours scientifique, Natalia souligne la démarche de l'outil.
« La solution développée s’inscrit elle-même dans une démarche de "réutilisation et de circularité". La quasi-totalité des briques algorithmiques utilisées sont open source, elles sont donc réutilisables par d'autres développeurs pour construire leurs modèles sans devoir faire des efforts supplémentaires en entrainement et développement, ce qui réduit l'impact environnemental aussi. »
Coopération et circularité, même famille ?
