“La mode est un droit.” Vraiment ? À six semaines du vote de la loi anti-fast fashion, Shein renverse la table et maquille sa surproduction en combat social. La seconde main contre-attaque, visuels à l’appui.
Le 28 avril, Stratégies publie en avant-première la nouvelle campagne de Shein : Au nom de la mode pour tous. Une pleine page de communication politique déguisée en publicité. En lettres blanches, sur fond beige, des femmes, sérieuses, les yeux dans les yeux. Et ce slogan : "La mode est un droit, pas un privilège."
Derrière ce vernis inclusif, une stratégie rodée : absorber la critique écologique en la remplaçant par une revendication sociale. L’argument ? Le luxe, c’est les autres, pour les riches. Notre robe à 12 €, c’est un geste pour l’égalité. Mais dès les premières heures, la réplique fuse. Et les campagnes dans le milieu de la seconde main répliquent une à une.
Contre-publicité dans la seconde main
Vestiaire Collective, plateforme française de revente de vêtements de luxe de seconde main, engagée contre la fast fashion, hack Shein, le 29 avril. Même cadrage, même typo. Mais les slogans claquent autrement.

A gauche, la publicité Shein "Pourquoi la mode devrait-elle être jetable ?". A droite, la publicité détournée Vestiaire Collective : "La mode n’est pas un droit. Le travail décent, oui."
Et dans le texte, "Dans les usines de Shein, les employés travaillent 75 heures par semaine dans des conditions dangereuses pour produire des robes à 12€."

A gauche, la publicité Shein "Pourquoi la mode ne serait réservée qu’aux riches ?". A droite, la publicité détournée par Vestiaire Collective : "Pourquoi l’air pu devrait-il être réservé aux riches."
Puis c’est au tour de Label Emmaüs, plateforme de e-commerce solidaire lancée en 2016 par le mouvement Emmaüs, de poster une série trois affiches floutées, en mode censure.

Deux publicités détournées de Label Emmaüs : "Publicité honteuse" à gauche ; "Publicité obscène" à droite. Publication sur les réseaux sociaux, le 8 mai 2025. Même visuel, même tonalité. Le verdict est moral.
Le Relais Est, acteur de l’économie sociale et solidaire, basé dans le Grand Est, qui collecte, trie et valorise des textiles usagés dans une logique d’insertion, poste également sa série de publicité détournée, le 14 mai : “Pourquoi produire des vêtements à usage unique ?" On y voit des ballots de textiles compressés, des piles de déchets, des habits qu’on ne peut plus réemployer car trop abîmés.

Publicité détournée Le Relais Est, "Pourquoi produire des vêtements à usage unique ?". Lire aussi : La stratégie de communication Le Relais Est dans la revue des réseaux sociaux.
Et dans le texte : "En 2024, nous avons collecté 8 100 tonnes de textiles, soit 11% de plus par rapport à 2023. Cependant, 3% de moins ont pu être réemployés en raison d’une diminution globale de leur qualité."
Derrière l'inclusivité made in Shein : une campagne de diversion
"L’ultra fast fashion se rêve en syndicat de personnes précaires", résume une source proche du dossier de l’affaire de la loi anti-fast fashion au Sénat. Mais l’opération a une visée bien plus large : faire écran. Car le calendrier est politique. La loi “anti-fast fashion” — attendue depuis des mois — doit être examinée début juin qui a pour effet de limiter la vente de produits issus l’ultra fast fashion en France. La campagne Shein, signée Havas (groupe Bolloré), sort au moment où l’étau se ressert sur le géant chinois, en parallèle de ses autres activités de lobbing.
Le "social washing", ou l’égalité à 2,99 €
Shein renverse le stigmate : on l’accuse de polluer, elle répond qu’elle démocratise. On pointe les excès de production, elle crie à l’injustice sociale. C’est le social washing : la version justice sociale du greenwashing. Mais les faits sont têtus.
Lire aussi : La revue des réseaux sociaux

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