Tandis que les vêtements neufs seront bientôt incités à afficher leur impact environnemental sur leur étiquette, la seconde main ne semble pas concernée. Pourtant, l’achat d’un vêtement d’occasion divise par 5 à 10 son impact écologique confirme l’ADEME et l’Institut National de l’Économie Circulaire (INEC). Pour les acteurs de la mode circulaire, mettre en avant les scores sur leur étiquetage leur permettrait de se démarquer dans un contexte textile tendu en France.
Un vent de notation souffle en cette fin d’année scolaire dans les rayons des enseignes de mode. « Avant » ou « après » l’été 2025, en France, chaque marque de neuf aura la possibilité d’afficher sur ses étiquettes le « score environnemental » de ses vêtements.
Cette initiative française, portée par le ministère de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique, a été validée par la Commission européenne le 15 mai dernier. « Une victoire française », s’est félicitée la ministre, Agnès Pannier-Runacher.
Voici « une réponse forte à l’ultra fast fashion, souvent produite dans des conditions bien moins exigeantes qu’en France ou en Europe, avec des conséquences environnementales, économiques et sociales désastreuses », a-t-elle déclaré sur X (ex-Twitter) dans la foulée.
Volontaire, ce dispositif (initialement prévu par décret dans le cadre de la loi Climat et Résilience de 2021) propose aux enseignes de calculer leur score grâce au système de notation français Ecobalyse, développé par l’Agence de la transition écologique (ADEME).

Affichage environnemental: et la seconde main dans tout ça ?
Inciter le neuf à se noter pour informer le consommateur, c’est bien. Mais qu’en est-il de la seconde main ? Comment peut-elle se démarquer au milieu de ces futurs scores si on ne lui demande pas d’indiquer le sien, en comparaison ?
Selon l’étude Refashion (2022) mandatée par l’ADEME, le réemploi d’un vêtement évite en moyenne 85% des émissions de gaz à effet de serre par rapport à sa production neuve, avec des variations selon les catégories de produit.
Acheter un vêtement d’occasion plutôt que neuf permet donc de gagner beaucoup de points environnementaux au niveau de la production, du transport et de la distribution. Sur l’étiquette, ça devrait claquer, donc.
Ecobalyse, un outil qui inclut la seconde main
Le dispositif final d’étiquetage environnemental qui verra le jour (dès que le Conseil d’État s’en sera saisi) va utiliser le système de calcul Ecobalyse.
Avec cet outil, le gouvernement français a fait le choix d’élaborer son propre score environnemental, basé sur sa propre méthodologie. Il refuse ainsi d’utiliser uniquement le PEF (Product Environmental Footprint) utilisé par l’Union européenne, critiqué en France pour ses limites.
Ce système permet d’obtenir une notation relativement complète à la fin du calcul, qui évalue l’ensemble des données environnementales en matière de textile : les 16 critères du PEF, dont les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d’eau ou la toxicité, en élargissant aux émissions de microfibres, aux exportations de vêtements hors Europe et à la durabilité des produits.
Ecobalyse permet également référencer un “produit remanufacturé”. Et comme la démarche est volontaire, rien n’empêche une marque d’occasion, de remanufacturing ou d’upcycling, d’y calculer le coût environnemental de ses vêtements pour l’afficher sur ses étiquettes.
Il suffit de cocher la case « remanufacturé » et d’éliminer ainsi les étapes de transformation de la matière première (tissage, filage, ennoblissement) pour arriver directement à celles de la confection, du transport initial et de la distribution.

Si en revanche le vêtement d’occasion a été upcyclé, il faudra cocher la case “remanufacturé” et indiquer en plus la provenance et les conditions d’approvisionnement des matières et accessoires ajoutées pour conserver un score environnemental précis.
Affichage environnemental textile : pourquoi la seconde main a tout à y gagner
Une seule case cochée permet ainsi d’économiser près de 80 % de points sur son score global. Un jean neuf affiche automatiquement un nombre de points standard "hors durabilité" (comme les appelle Ecobalyse) de 2084 points. Un jean "remanufacturé" s’affiche automatiquement à 345 points.
De quoi gagner facilement la bataille de l’étiquette vertueuse pour les vêtements de seconde main.
Pour l’instant, le milieu du textile circulaire ne s’essaye pas officiellement à l’exercice, dans la mesure où l’affichage environnemental est d’abord une mesure appliquée au neuf. Mais certaines friperies n’ont pas attendu le feu vert de la Commission européenne pour afficher leur bon score.
Des friperies ont déjà commencer à jouer le jeu pour se démarquer de la fast fashion
C’est le cas à Nantes, dans la friperie Décré, située dans le quartier du même nom. Sur sa vitrine, le vendeur d’occasion affiche un Planet-Score – une notation proposée par l’Institut technique de l’agriculture bio (Itab), soutenue par plusieurs ONG, dont l’UFC-Que Choisir, mais aussi des fabricants et des distributeurs.
« Si vous regardez le Nutri-Score quand vous faites vos courses, alors pourquoi pas le "PLANET SCORE" quand vous achetez vos vêtements ? », suggère-t-elle dès le pas de la porte, visuel à l’appui.

Avec ce commerce, s'introduit l’idée de l'affichage environnemental. La friperie Decré à Nantes met en avant un exemple d’étiquetage environnemental pour se démarquer d’une enseigne de fast fashion type Zara, Primark ou d’ultra fast fashion comme Shein. Crédit : Instagram friperie_decré
La friperie et le vêtement d’occasion méritent un A, estime ce commerce. Il ne compte pas attendre que la mode tout entière se mette au vert pour l’afficher fièrement sur sa vitrine et éduquer les passants.
Dans quelques jours débuteront au Sénat les débats sur la loi anti-fast fashion (les 2 et 3 juin), avant un vote officiel le 10 juin. Dans ce contexte tendu pour le marché textile du neuf et celui de la seconde main, l’affichage environnemental est une façon d’y voir plus clair. Et de marquer, chiffre à l’appui, le réel impact de cette industrie.
Catégorie : Business

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