blog main imageLe vrai du faux

Une friperie déstocke 2 400 vêtements Shein : info ou intox ?

Maurane Nait Mazi
21 avril 2024
21 avril 2024
5 min

Une vente spéciale de vêtements de la marque Shein fait le buzz. Dans notre rubrique « le vrai du faux », nous clarifions la nature et les enjeux de cette vente ainsi que les pratiques d'une mystérieuse boutique.


Les vêtements Shein sont-ils déstockés ?


Le week-end du 20 avril, la boutique Dressing New Vintage située à Calais organisait une vente éphémère de 2 400 pièces Shein qui n'est pas passée inaperçue. Le magasin affichait vider la boutique pour accueillir un pop up Shein pendant deux jours. Un post Instagram sur l'évènement suscite encore de vives réactions, génère dix fois plus d'approbation que d'habitude sur le compte de l'enseigne, ainsi qu'une série de commentaires négatifs et des partages critiquant la vente pour ses effets néfastes associés à l'ultra fast fashion. En réponse à ces critiques, la boutique communiquait sur ses réseaux : « c'est du déstockage ».

Le gérant de l'établissement précise pour Nord Littoral que les colis proviennent de colis non délivrés, tout comme certains de ses autres lots. Les « colis perdus » se réfèrent à des envois qui ont été égarés ou non livrés lors de leur transport par des services postaux ou de livraison. Il explique également la mis en place d'un dispositif pour éviter le désordre lors de cette vente exceptionnelle qui suscite l'intérêt de 3 000 personnes lors des préparatifs. Ce n'est pas la première fois que Dressing New Vintage liquide des stocks de vêtements de marque de fast fashion, comme Abercrombie ou Forever 21. La direction n'exclut pas de sa sélection seconde main habituelle la fast fashion. Ce qui est nouveau est la vente entièrement dédiée au géant chinois.

Lire aussi : Je quitte la fast fashion pour lancer ma friperie. Amélie raconte sa reconversion

La boutique Dressing New Vintage est-elle une friperie ?


La vente Shein attire donc l'attention des internautes et de la presse régionale. Mais dans ses titres la Voix du Nord qualifie la boutique de friperie, alimentant ainsi les rumeurs et les reprises, provoquant l'indignation des amateurs de fripe et des puristes.

Car les friperies combattent et s'opposent à la fast fashion en ne proposant aucune de ses pièces. Que ce soit par amour du vêtement, par engagement ou activisme.

Nous ne connaissons d'ailleurs aucune friperie qui fasse commerce de vêtements neufs.

Alors, d'où vient cette confusion ? La boutique Dressing New Vintage porte un nom qui évoque le vintage mais n'est pas une friperie. La boutique n’a de vintage que le nom. En réalité, c'est une solderie qui propose généralement des invendus de marques et une sélection de vêtements d'occasion, souvent de la fast fashion. Les vêtements Shein ne sont donc pas déstockés en friperie mais chez un soldeur, ambiance foire-à-tout.

Quel est le risque d'aborder le sujet sous l'angle de la friperie ? La mention friperie établit un contraste entre l'attente d'un aspect vintage et la vente massive de vêtements ultra fast fashion. Il est crucial de ne pas laisser dire que des friperies vendent des articles de mode jetable. Ces boutiques, souvent indépendantes, jouent un rôle clé dans la lutte contre les dérives de l'industrie textile. Cette erreur pourrait induire le consommateur en erreur et le détourner de la fripe.

Shein et le réemploi

Ce cas dévoile une des nouvelles filières de réemploi des colis perdus ou invendus. En réponse à la loi AGEC interdisant leur destruction, des milliers de vêtements d'ultra fast fashion finissent dans des boutiques de re-commerce. Le pop-up est l'occasion d'apporter de la nuance aux bonnes pratiques récemment revendiquées par Shein. En effet, bien que l'enseigne prétende être exemplaire en matière de surproduction, la réalité semble bien différente.

« Notre business modèle, qui est véritablement révolutionnaire, nous permet d’avoir des taux d’invendus (…) bien inférieurs à 10%. En général, on flirte entre 5 et 2%. Les bons acteurs font en général 25% quand les mauvais font 45% » déclarait la parole de Shein en France Marion Bouchut, au micro de BFM TV.

Le géant chinois mène actuellement une campagne de lobbying en France dans le cadre d’un vaste plan média pour améliorer son image dégradée dans un contexte législatif nouveau, plutôt défavorable aux pratiques de la fast fashion. Pour illustrer son incompréhension face aux critiques sur le fonctionnement de la marque, la communicante évoque le 6 mars le lancement « prochainement » en Europe de Shein Exchange, la plateforme spécialisée dans la seconde main de la marque mais aussi la bonne gestion de la production des produits vendus. Selon elle, la « smart fashion » (mode intelligente) élaborée par Shein « solutionne le problème de la surproduction ».

Loin de la smart fashion

Cas de greenwashing de marque bien connu de l’ONG Fashion Revolution, née au lendemain de l'effondrement de l’usine Rana Plaza (le 24 avril 2013) à Dacca au Bangladesh. Pour la présidente du bureau français Catherine Dauriac, c’est un mensonge de plus de Shein.

« Shein s'emploie avec ferveur à noyer ses clients sous des litres de guimauve soit disant bien faisante, néanmoins totalement fausse. Son modèle est délétère pour le vivant, environnement et êtres humains compris. Des vêtements en plastique aux heures de travail forcé pour les fabriquer... ce modèle est indigne. Ajoutons le mensonge et la mauvaise foi. La boucle est bouclée. »

Lire aussi : Pourquoi la journée mondiale des friperies tombe dans l'indifférence la plus totale ?