Alors que le réemploi gagne du terrain comme alternative face au modèle jetable, une absence persiste dans notre communication numérique: celle d’un émoji dédié. Contrairement au recyclage, le réemploi reste invisible dans le langage des émojis. C’est ce manque qu'un réseau professionnel cherche à combler avec sa campagne #emoji4reuse. En proposant un design inspiré des pictogrammes déjà utilisés pour les emballages réemployables, l'association souhaite donner au réemploi une reconnaissance visuelle universelle. Le réemploi parviendra-t-il à se faire une place dans nos claviers ? Retour sur une campagne qui défend plus qu’un symbole.
Une association appelle à la création d'un émoji "4reuse"
Malgré la croissance du réemploi, le secteur souffre d'un manque de représentation dans son langage numérique. Ce qui soulève des questions quant à la capacité à véhiculer des messages de changement de modèle. C'est le message que porte depuis mars dernier, Réseau Vrac & Réemploi, une association de professionnels de la filière du vrac et du réemploi des emballages derrière la campagne "#emoji4reuse".
Sur le site internet emoji4reuse.com dédié à l'opération de promotion, le réseau qui est à l’initiative de l'émoji précise le sens du terme réemploi, "Le réemploi consiste à récupérer des produits au lieu de les jeter, pour leur donner une deuxième vie. En les nettoyant, en les réparant ou en les révisant, ils sont de nouveau utilisés pour un usage identique à celui d’origine." Et du terme recyclage, "ensemble de procédés qui font subir au produit, devenu déchet, des traitements plus lourds afin de réintroduire certains de leurs matériaux dans la fabrication de nouveaux produits."
L’association rappelle aussi l'autonomie du réemploi au sein de l'économie circulaire, "le réemploi est un concept à part entière qui a sa propre définition juridique et des objectifs fixés par les lois". Parent pauvre de l'économie circulaire, il est "souvent confondu avec le recyclage". Car si le recyclage a son émoji, le ruban de Möbius ♻️, le réemploi n'a pas symbole dans l'univers des émojis. Cette absence révèlerait un vide dans notre communication digitale et une occasion manquée de promouvoir des gestes éco-responsables selon la hiérarchie des 3R (réduire, réemployer, recycler).
Un vide selon Célia Rennesson
Pour la directrice et cofondatrice du réseau d'entreprises à l’initiative de l'opération, Célia Rennesson, la campagne de l'émoji 4reuse vise à combler un vide : "nous n’avons ni émoji ni combinaison de symboles pour l’exprimer. À défaut, c’est l’émoji du recyclage qui est systématiquement utilisé, alors que ces deux notions renvoient à des procédés et des enjeux très différents. N’avoir qu’un seul émoji à disposition, celui du recyclage, c’est maintenir une seule vision : celle d’une économie qui ne serait basée que sur le recyclage." Pour elle, "alors que la transition des modèles est en marche et doit s’accélérer, par bon sens et par nécessité, il est impératif d’illustrer d’autres modèles plus vertueux comme le réemploi. Représenter les choses, c’est les faire exister."

L’émoji représente quatre flèches pointées vers un point central, symbolise le geste retour au point de collecte et l'engagement des consommateurs, en suggérant l’action d’aller déposer le produit ou l’emballage.
Pour reconnaître et faciliter le réemploi
L'initiative ne se limite pas à la simple création d'une nouvelle icône dans la bibliothèque numérique de nos téléphones. Elle interpelle sur la nécessité d'intégrer dans le langage numérique des éléments qui reflètent nos préoccupations environnementales et sociales. Une affirmation que nos outils de communication sont capables d'évoluer pour refléter les changements de valeurs et de société.
Dépasser le symbole
Avec un design inspiré du pictogramme réemploi utilisé depuis 2020 sur les étiquettes de bouteilles et des pots réemployables vendus en France, les initiateurs du projet veulent faciliter l'adoption du réemploi, le rendre visible et appropriable par le grand public, les industriels et les politiques.

La validation par le Consortium Unicode
Le chemin vers l'adoption d'un nouvel émoji est semé d'embûches. La première est la structure de pouvoir qui supervise la standardisation du monde numérique: le Consortium Unicode. Un organe dont les décisions sont influencées par les géants du web tels que Google, Apple, et Facebook. L'avenir nous ira si l’opaque Académie des émojis sera sensible au changement de modèle. Le citron vert, le champignon ou encore le phœnix ont récemment été accepté par l'autorité qui examinera prochainement "4reuse".
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