En Europe, plusieurs enquêtes révèlent des cas de harcèlement sexuel et la reprise non consentie de photos d’utilisatrices de Vinted. Détournés et sexualisés, ces clichés circulent sur des sites pornographiques et des canaux Telegram. Les témoignages confirment l’ampleur d’un phénomène que la plateforme peine à endiguer.
Fondée en 2008 à Vilnius, Vinted s’est imposée en quinze ans comme le leader européen de la revente de vêtements entre particuliers. Présente dans 22 pays, l’application revendique 75 millions d’utilisateurs actifs par mois et se présente comme un acteur majeur de la mode circulaire. Sa promesse : donner une seconde vie aux vêtements et simplifier la revente. Mais derrière cette image responsable, une autre réalité s’impose : des utilisatrices voient leurs photos copiées, extraites et diffusées dans des espaces sexuels en ligne. Harcèlement, exploitation d’images et failles de modération dessinent un contraste saisissant avec la communication de la plateforme.
Enquêtes sur les dérives sexistes et sexuelles sur Vinted
Le 9 août 2025, le quotidien britannique The Guardian publiait des témoignages de femmes dont les photos postées sur Vinted ont été détournées et diffusées sur des sites pornographiques et forums à caractère sexuel. Mina, 22 ans, de Cologne, raconte avoir découvert ses clichés associés à de faux profils érotiques. Elle affirme aussi avoir reçu via la messagerie interne des propositions explicites et des demandes de photos intimes.
Ces pratiques font écho à d’autres dérives déjà mises en lumière. En avril 2025, le Süddeutsche Zeitung révélait l’existence d’un canal Telegram baptisé Girls of Vinted — "Les filles de Vinted", traduit de l’anglais.
Girls of Vinted
Créé en juin 2024 sur Telegram, le canal diffusait plus de 1 000 photos de femmes issues de la plateforme, principalement en Allemagne, en France et en Italie. Publiées à l’origine pour montrer la coupe d’un vêtement, elles étaient détournées et sexualisées : accompagnées de commentaires explicites, utilisées pour créer de faux profils érotiques et diffusées sur d’autres forums pornographiques. Dans certains cas, les liens vers les profils Vinted des victimes s’accompagnaient d’adresses ou d’informations personnelles. Le canal a été fermé après avoir atteint près de 2 000 abonnés.
"Les salopes de Vinted" : un autre canal de détournement sexuel
En octobre 2024, la chaîne britannique Channel 4 révélait l’existence d’un site similaire, Vinted Sluts ("les salopes de Vinted", traduit de l’anglais), dans son émission Dispatches, intitulée Vinted’s Dirty Laundry — littéralement "le linge sale de Vinted". Le site affichait un slogan explicite : « Quand tu vends tes vêtements mais que tu veux de l’attention », — résume une rhétorique sexiste qui transforme l'acte de revente en exhibition supposée.
Ces enquêtes mettent en évidence des organisations structurées, où des membres se coordonnent pour détourner et diffuser massivement des contenus à caractère sexuel.
Signalements en France
En France, les alertes se multiplient. En février 2024, TF1 Info rapportait des cas de messages privés déplacés : propositions sexuelles en visio, commentaires sur le corps, demandes de clichés supplémentaires. Plus récemment, France Info documentait le phénomène. Dans un article publié le 12 août 2025, plusieurs femmes racontent avoir reçu des messages obscènes ou insistants sur Vinted :
« Ton dressing m’a donné super chaud », témoigne ainsi Jade, créatrice de contenu, citée par la journaliste.

La créatrice de contenu avait déjà dénoncé ce type de messages un an plus tôt sur TikTok. Les pervers : "C’était pas suffisant de les avoir dans les transports" — Capture d’écran @jade_mnl, juillet 2024
Balance ton Vinted
Sur Instagram, le compte militant @Balancetonvinted_, ouvert il y a trois ans, publie plusieurs dizaines de témoignages. Captures d’écran à l’appui, on y lit des messages à connotation sexuelle ("wow ce cul, seulement à 2,5 ?"), des demandes de photos intimes ou des exemples de diffusion sur des forums externes. Ce travail constitue un archivage informel des dérives et de leur persistance.

Message à connotation sexuelle reçu par une utilisatrice sur Vinted, publié par le compte @Balancetonvinted_ en septembre 2022
"Tolérance zéro" affichée par Vinted
Dans l’enquête du Süddeutsche Zeitung, Bella, 26 ans, étudiante à Berlin, raconte avoir reçu une avalanche de messages sexuels en plusieurs langues après avoir été repérée sur Girls of Vinted.
Sonja, 32 ans, avocate et utilisatrice de la plateforme depuis 2011, dit avoir découvert ses photos sur ce canal : « C’est comme une version numérique de la rue », dénonce-t-elle.
Face à ces accusations, Vinted a assuré fin 2024 prendre le sujet « très au sérieux » et agir « aussi vite que possible » contre les comportements enfreignant ses règles. L’entreprise se dit « désolée » de ces expériences et affirme renforcer régulièrement ses dispositifs de sécurité.
Interrogée par France Info, la plateforme a répété appliquer « une politique de tolérance zéro ». Vinted dit bloquer rapidement les comptes signalés. Mais pour de nombreuses utilisatrices, le constat diffère : elles décrivent un harcèlement récurrent, des profils supprimés qui réapparaissent sous une autre identité, et une inquiétude croissante. Certaines expliquent avoir pris l’habitude de recadrer leurs photos ou de ne pas montrer leur visage, de peur d’une utilisation abusive.
Rubrique : Vinted

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Crédit : montage @Balancetonvinted_