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Consommer moins et mieux à Noël : que disent les experts et professionnels du réemploi

Maurane Nait Mazi
22 décembre 2023
22 décembre 2023
4 min


Marquée par la surconsommation, la période des fêtes de fin d'année soulève à la fois des enjeux économiques et écologiques. Comment célébrer sans tomber dans l'excès ? Face à 12 millions de cadeaux superflus et un million directement jetés à la poubelle et un budget serré, nous explorons solutions, tendances et astuces pour des fêtes axées sur le principe du « consommer moins, consommer mieux ». Associations, spécialistes du recyclage, experts en greenwashing et professionnels de la seconde main se mobilisent pour nous guider.

L'astuce du Secret Santa

Importé des États-Unis, le Secret Santa s'installe comme une tendance économique et écologique. Ce concept consiste à offrir un seul cadeau par personne au sein d'un groupe grâce à un tirage au sort. Recommandée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) pour sa capacité à réduire le nombre de cadeaux, l'initative gagne en popularité.

Dans le cadre familial et professionnel, Ellie Dahan-Lamort, qui est responsable du plaidoyer et de la communauté de la Fédération de la mode circulaire, a par exemple adopté le Secret Santa soulignant ses avantages tant sur le plan financier que sur le plan de la consommation.

« Le Secret Santa est une bonne alternative : cela permet de consacrer plus de temps et de budget pour s'assurer de choisir quelque chose qui fera réellement plaisir à cette personne, qui sera plus durable, et de limiter les achats. » — Ellie Dahan-Lamort

La pratique requiert toutefois une attention particulière : éviter les achats d'impulsion et les produits superflus à bas coût. En entreprise, Envi a apporté une touche personnelle au concept. Catherine Barba, co-fondatrice de l'école des indépendants partage cette approche : « c'est un Secret Santa de seconde main où les cadeaux sont des objets existants que l'on a déjà chez soi ». Une initiative qui réinvente l'expérience du cadeau. En cette période de fêtes, changer nos habitudes de consommation reste un défi, surtout quand Noël rime avec « dépenses plaisir ». 

Noël entre budget, plaisir et modération

Selon une étude IPSOS, 77% des Français privilégient le respect de leur budget plutôt que les achats responsables. Eva Cerio, enseignante-chercheuse en marketing à l’École Universitaire de Management d'Angers qui a mené une recherche exploratoire, analyse cette tendance.


« À Noël, on fait moins attention. On surveille le budget, mais moins le type de produit, la marque, l'origine. L'important, c'est de faire plaisir. » — Eva Cerio

Cette notion de plaisir est profondément ancrée, associée à la quantité et à la nouveauté, rendant le passage aux cadeaux d'occasion difficile malgré leurs avantages. La chercheuse observe cependant une réticence particulière : offrir des jeux et des jouets de seconde main à d'autres membres de la famille.

Offrir d'occasion pour soi-même et pour les autres ? 

« Les familles achètent de la seconde main pour leur propre enfant. Par contre, lorsqu’il s’agit d’offrir aux autres, c’est-à-dire en dehors du cadre familial, ils ne le font pas, malgré les incitations de leur proche. »  — Eva Cerio

D'après une étude, deux Français sur cinq ont prévu d'offrir un cadeau de seconde main. Toutefois, malgré la volonté d'agir, une consommation décomplexée de l’occasion, surtout pour offrir, reste un défi à surmonter.

Équilibre entre occasion et neuf pour les cadeaux

Elric Baccolini, acculturé à l'achat d’occasion, n’offre pourtant pas exclusivement des cadeaux seconde main à Noël. Dans le débat entre neuf et occasion, ce brocanteur du Village des brocanteurs de Tignieu, près de Lyon, adopte une approche équilibrée. « Je m'oriente vers un mélange, un 50/50 entre cadeaux d'occasion et neufs, et toujours en boutique » explique-t-il.

« J'ai une nette préférence pour le commerce en vrai. Je tiens à acheter à des gens. » — Elric Baccolini

Alors que novembre et décembre sont cruciaux pour l'e-commerce, représentant un quart du chiffre d'affaires annuel, le professionnel privilégie quant à lui les achats en magasin. « J'ai une nette préférence pour le commerce en vrai. Je tiens à acheter à des gens » affirme-t-il, soulignant ainsi son choix de soutenir les commerces locaux et de privilégier les interactions humaines dans ses achats de fêtes.

La no go list anti Amazon et Made in China

Jeanne Rault, fondatrice du média Les Petits Résistants, propose une approche réfléchie pour les cadeaux de Noël avec une no go list. Dans une tribune CMCM, elle souligne la frénésie des enfants ouvrant leurs cadeaux sans vraiment les apprécier, souvent aboutissant à un excès inutile. « Deux cadeaux par personne auraient suffi » affirme-t-elle.

consommation de jouets à Noël
« Merci d'éviter les cadeaux Amazon, les Barbie neuves, les peluches en polyester qui viennent de Chine. » — Jeanne Rault

La solution réside pour la professionnelle dans la communication claire des préférences des parents. Il est possible d'indiquer que l'on ne souhaite pas de cadeaux Amazon, de Barbie neuves ou encore des peluches en polyester. Elle insiste sur l'importance de rester actif dans ses choix, surtout face au greenwashing, une pratique de fausses promesses écologiques contre laquelle Céline Réveillac lutte activement.

Questionner l'obligation d'achat et la communication des marques

Présidente de Communication et démocratie et co-fondatrice Reboot!, qui a pour ambition de former et sensibiliser les étudiants en communication aux enjeux de responsabilité sociétale et environnementale, Céline Réveillac invite à mener une réflexion critique de la consommation. Reconnaissant la difficulté de cette démarche dans une société fortement orientée vers la consommation, elle met l'accent la remise en question de l'urgence perçue dans l'achat et l'obligation de consommer durant cette période.

Elle propose notamment une alternative au cadeau traditionnellement neuf : la création manuelle, soulignant qu'il n'est pas indispensable d'acheter pour exprimer son affection. Cette perspective vise à redéfinir les fêtes, en déplacer les traditions commerciales vers des célébrations plus significatives et personnalisées.

« Les fêtes peuvent être tout aussi joyeuses sans être centrées sur la consommation et l'échange de cadeaux. » — Céline Réveillac

Le textile en tête des cadeaux

Parmi la diversité de cadeaux offerts à Noël, l'ADEME a identifié les trois cadeaux les plus prisés : les textiles (39%) les jouets (19%) et les livres (18%). Catherine Dauriac, journaliste et présidente de Fashion Revolution France, voit les fêtes de fin d'année comme un moment de bilan, de célébration et de paix. « On n'a pas besoin d'un pull moche et d'une nouvelle robe à paillettes » souligne-t-elle. La journaliste encourage à offrir des cadeaux significatifs, remettant en question les achats de mode festive. Luttant pour l'amélioration des conditions de travail sur la chaîne textile, elle met en lumière les réalités de la fabrication des cadeaux.

« La plupart des objets qui nous entourent et qu’on achète à Noël sont fabriqués en Chine, notamment par des prisonniers et les Ouïgours, c’est pourquoi je ne participerai pas à cette gabegie. » — Catherine Dauriac

En tant qu'ambassadrice du Défi rien de neuf de Zero Waste France, Catherine Dauriac privilégie les cadeaux personnels et offre des livres de sa propre bibliothèque, choisis avec soin pour chacun de ses proches.

Offrir des vêtements de seconde main en cadeau

Roxane De Almeida, influenceuse et photographe mode, voit les fêtes de fin d'année comme une occasion de promouvoir de la seconde main.

« Je n’achète pas tout sur la liste, je sélectionne et cherche à trouver une alternative. J’ai arrêté d’acheter des cadeaux qui n’ont pas de sens, sans juger les cadeaux des autres. » — Roxane De Almeida

Passionnée de vintage, la créatrice de contenu sur les réseaux sociaux préfère ne pas demander à ses proches de lui trouver des pièces d’occasion, car « les autres n'arrivent pas à chiner pour moi » dit-elle. Elle se concentre donc sur des pièces de mode éthique pour sa liste de Noël, profitant de cette période pour se faire offrir ce qu’elle n’achète pas durant le reste de l'année. Beryl de Labouchère, fondatrice de la start-up Tilli spécialisée dans la réparation, partage également cette idée de consommation consciente. « Consommer moins, c'est possible en réinventant l'existant » affirme-t-elle. Elle encourage à repenser notre rapport à la mode et aux objets. 

« Fouillez dans vos placards, transformez, créez des pièces uniques qui racontent une histoire. Cela vaut aussi pour Noël. » — Beryl de Labouchère

Redécouvrir le plaisir de porter des vêtements adaptés à soi peut transformer notre vision de la mode et de la consommation pour elle. Selon elle, redécouvrir le plaisir de porter des vêtements qui nous vont parfaitement peut changer notre perspective sur la consommation et la mode. La gérante de la friperie Belle Lurette à La Roche-sur-Yon, Élise Carré partage cette approche. Elle privilégie toutefois pour elle les moments en famille plutôt que le cadeau mode.

Offrir des cadeaux utiles et créatifs

« Comme je travaille beaucoup, c’est des moments que je souhaite récupérer en famille » précise cette commerçante qui partage les hauts et les bas de l'entrepreneuriat sur les réseaux sociaux. Marion Lopez, fondatrice de Studio Lausié, une école de mode alternative à Marseille, encourage également la créativité, en insistant sur l'importance de répondre à un besoin et non l'inverse. « On peut être créatif pour les fêtes aussi », dit-elle, soulignant l'importance de l'upcycling et de la transformation de nos usages textiles. 

« On peut ne rien vouloir et ne rien offrir à Noël. C’est vrai que ce n'est pas évident à faire comprendre à nos proches. » — Marion Lopez

L'ancienne styliste suggère l'idée du "no cadeau" mais aussi d'offrir des cadeaux issus de ressourceries proches de chez soi et de transformer, y compris pour l'emballage, en utilisant par exemple un vieux tissu ou un ancien linge pour envelopper les présents.


Haro sur l'emballage en fin d'année

Durant les fêtes, une hausse significative de la production de déchets est observée : une augmentation de 12% des ordures ménagères, 15% d'emballages supplémentaires, et 20% de plus en bouteilles et flacons en verre.

Attention aux emballages ! C'est le message du duo d'ingénieurs M. et Mme Recyclage qui vulgarise les problématiques liées aux emballages et au recyclage. En fin d'année, Lise Nicolas et Enzo Muttini analysent le suremballage des boîtes de chocolats sur leur média. Pour lutter contre le suremballage et les déchets inutiles, ils suggèrent des alternatives comme apporter son propre contenant chez un chocolatier, choisir des artisans qui consignent leurs boîtes, ou opter pour des chocolats en vrac dans un film plastique de moins de 1g.

Lise Nicolas, alias Mme Recyclage, prône par exemple l'utilisation de pochons en tissu réutilisables en remplacement du papier cadeau jetable.

Ce geste s'inscrit dans la démarche plus large de sensibilisation au réemploi et à l'anti-gaspillage portée par des organisations telles que Zero Waste France.

« Aujourd'hui, on est dans un monde du jetable. Beaucoup de publicité nous incitent à acheter des choses nouvelles. Pour porter un vrai changement structurel, il faut inciter les entreprises à changer leur manière de produire et commercialiser pour réduire les impacts. » — Juliette Franquet

Juliette Franquet est la directrice de l'association Zero Waste France qui œuvre depuis 20 ans à faire de la philosophie du zéro déchet un courant pour renverser le modèle. Selon elle, on peut réduire les déchets à la source durant les fêtes et « offrir des cadeaux en DIY par exemple ». Découvrir le défi "Rien de neuf" de l'association.

Défis de sensibilisation au réemploi

Quel message ne pas porter à Noël ? « Il ne faut pas opposer le plaisir et la joie à la sobriété matérielle. »  répond Juliette Franquet.

Ma Petite Planète lance des challenges pour sensibiliser à l'importance de l'écologie, ciblant notamment la surconsommation caractéristique des fêtes de fin d'année. L'association incite chacun à « adopter un hiver au vert », un challenge où les participants s'engagent à réaliser cinq actions durant les festivités. Clément Debosque, co-fondateur et passionné d'activités en plein air, encourage à privilégier des expériences au lieu de s'encombrer d'objets matériels. Convaincu que tout moment est propice au changement, il invite à relever tous les défis en 2024.

Êtes-vous prêts à relever le défi du moins et mieux ?

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