Chaque jour, elle vend un sac Chanel sur Instagram. Mais cela ne lui suffit pas. Marine Bibas, Pepita de son pseudo, veut gagner plus. Beaucoup plus. Derrière les punchlines, une vision politique de la seconde main : "Je veux être pétée de thune", dit-elle dans le podcast Thune, du mois d’avril. Pour ne pas finir "enchaînée à un homme" et pour "payer l’Ehpad entre copines". Une voix féministe, qui détonne dans l’univers très normé de la seconde main de luxe.
Au micro de la journaliste Anna Borel dans le podcast Thune du 24 avril 2025, la marchande de sacs de luxe et bijoux d’occasion, Marine Bibas, alias Pépita sur les réseaux sociaux, libère une parole rare dans l’univers de la fripe de luxe : une critique politique sur la dépendance économique des femmes, dissimulée derrière l’apparat d’une comédie Instagram.
Dans ses vidéos, sac griffé à la main, Pépita parle fort et vend des Chanel avec la verve d’une actrice de boulevard. Le ton est celui d’une bourgeoise un peu "cagole", assume-t-elle, à la limite de l’outrancier. Derrière ce personnage caricatural pourtant, c’est une conscience aiguë de la valeur de l’argent qui s’exprime.
"Je veux être pétée de thune", lâche-t-elle dans l’épisode intitulé "Revers et bonnes affaires d’une vendeuse hors pair". Non pour consommer davantage, mais pour avoir le choix : "Pour que mes copines et moi, on puisse se payer l’Ehpad ensemble, qu’aucune ne soit obligée de rester avec son mari."

Capture d’écran d’une vidéo Instagram publiée le 8 février 2024 : Pepita y vend un sac Timeless Chanel. Elle s’adresse à l’acheteur potentiel avec une formule tranchante : “Si tu veux faire un acte chevaleresque, porte tes couilles, sors ton chéquier (…) offre-lui cette merveille. Tu vas comprendre ce que veut dire plaisir d’offrir, joie de recevoir. Allez, appelle-moi.” Visuel tiré de @pepita_skirring
Pépita, voix féministe dissonante et experte "cagole" de la fripe de luxe
Tandis que la revente de luxe reste souvent à distance du politique, Pépita, elle, s’en empare. Un article vendu chaque jour, une boutique Instagram qui tourne à flux tendu, des vidéos produites en 1h30 chrono : elle maîtrise tous les codes de la vente (rareté, mise en scène, désir). Mais ses drops servent aussi à attirer l’attention pour parler de dépendance, de peur, d’avenir collectif au féminin.Sa parole, incarnée, se distingue de celle des marchands et revendeurs. "Elle est brillante, piquante, délicieusement détestable — juste ce qu’il faut", commente la journaliste, hôte du podcast au sujet de la vendeuse qu’elle qualifie d'"étalon".

Capture d’écran d’une vidéo Instagram publiée le 5 mai 2025 : Pepita vend des cendriers et vide-poches Hermès vintage. Elle présente l’objet, avec avant en arrière plan un t-shirt provocateur où l’on peut lire en lettres de feu : “La cigarette tue, la pipe détend.” Visuel tiré de @pepita_skirring
Pépita n’édulcore rien : ni son rapport complexe à l’argent, ni son ambition de faire fortune "pour sécuriser" la vie de ses enfants à la suite du décès de son mari et sa fin de vie avec ses amies. Le luxe, ici, est un véhicule pour porter un message féministe.

Capture d’écran d’une vidéo Instagram publiée le 4 mai 2025 : Pepita vend un collier Chomet tout en livrant une réflexion personnelle sur l’indépendance. Face caméra, elle cite le dessin animé La Belle et le Clochard, avant d’ajouter avec autodérision : “Est-ce que quand tu regardais La Belle et le Clochard, tu te demandais si tu étais plutôt la Belle que le Clochard ? Bah moi, c’est le contraire. Je me suis toujours dit que j’étais un chien sans collier. Je me suis toujours dit que je n’avais pas trop envie d’appartenir à quelqu’un.” Vidéo publiée sur @pepita_skirring
Du Chanel de seconde main comme vecteur d’émancipation
La question posée à Pépita dans cet épisode de Thune est profondément politique : pourquoi l’indépendance économique des femmes est-elle encore si difficile à atteindre ? Pourquoi vieillir en tant que femme reste une trajectoire marquée par la solitude ou la dépendance conjugale ?
La réponse est pragmatique, directe : il faut "vendre". Créer de la valeur à partir de ce qui circule déjà. En vente aux enchères, successions, bourse au diamant, aux copines, pour commencer. Prendre sa place, même dans un espace où elle n’était pas attendue. Dans un univers où la parole est feutrée, policée.
Chez elle, la seconde main ne se veut ni écologique, ni économique. C’est un outil d’émancipation. Face caméra, elle enchaîne la promotion d’articles — à faible marge, entre 8 % et 11 %, pour rester sous les prix du marché précise-t-elle, n s’appropriant les codes du luxe, Marion Bibas en détourne les règles. Elle revend du Chanel, oui mais, au fond, ce n’est pas seulement du luxe qu’elle revend. C’est sa liberté qui a de la valeur.
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